lundi 19 février 2018

L'Home dels Nassos, Barcelone


Toute nouvelle table et plutôt très confidentielle que celle de « L'Home dels Nassos » dans le quartier en ébullition de Sants. En ébullition car c’est un peu ici que toute une génération de nouvelles adresses éclosent jour après jour, avec des cuisines assez inventives. Confidentielle également car l’équipe en place souhaite que tout se passe de bouche à oreille avec peu de présence sur les réseaux sociaux, pas de réservation en-ligne, mais une astuce…utiliser WhatsApp..ou tout simplement le téléphone.  « L'Home dels Nassos » c’est aussi le nom d’une légende catalane d’un homme avec plusieurs nez et qui ne peut être vu que seulement le 31 décembre. Un homme avec 365 nez que les enfants sont sensés trouver le dernier jour de l’année. Presque caché dans une ruelle, la première impression est que nous ne somme pas dans un restaurant au sense propre mais plutôt dans un appartement/atelier avec quelques tables. Quelque chose non loin de la dizaine de couverts seulement.


« L'Home dels Nassos », c’est l’aventure d’un couple, Robert et Georgina qui arrivent avec une proposition culinaire assez peu conventionnelle. Un premier épisode à Tarragone sous le même nom pendant sept années et maintenant c’est à Barcelone que cela se passe ! Une cuisine qui se veut originale, assez esthétique, parfois ludique, souvent conçue à partir de recettes traditionnelles, mais complètement repensées. Un tour de force car à deux personnes seulement tout est assuré, création de plats, cuisine, service et évidemment l’après service. On sera vraiment très surpris par la montagne de travail qui est réalisée par ce couple car cela relève presque de l’exploit. Finalisation des assiettes par Georgina et service assuré en salle par Robert.





Tables blanches, décor assez épuré lorgnant vers le scandinave, quatre tables en tout face au comptoir, derrière lequel les assiettes sont dressées par Georgina et la cuisine dans le prolongement. Pas de superflus, une impression d’être chez des particuliers.


Plusieurs menus au choix, avec respectivement quatre plats et dessert (35 euros), neuf (43 euros) et 12 plats. Ce dernier étant un menu de dégustation présenté en scènes comme dans une pièce de théâtre avec à chaque fois plusieurs assiettes qui se complètent, la plupart du temps au nombre de trois ou quatre, que l’on apprécie souvent avec les doigts ou autres instruments que couteau et fourchette et dans une séquence bien précise. Scènes expliquées à chaque fois par Robert qui une personne pleine de gentillesse, à l’écoute du client et aussi avec le sens de l’humour.

Avant de démarrer le repas, nous voici amené quelques tranches de pain au levain et de qualité, ce qui n’est pas toujours évident à Barcelone.


Première scène appelée, « La Brisa » qui est en fait l’apéritif. Premier acte avec les « nénuphars marins ». Un grand bol avec de l’eau et des fleurs, des sphères flottantes réalisés avec un « ajoblanco », du pain grillé, du miel, du gingembre confit, de la morue croustillante et de la salicorne. Certes on connaît les techniques de sphérification créées par Ferran Adria ou l’intérieur est le plus souvent liquide, mais ici nous aurons quelque chose d’un peu plus dense qui peut plutôt laisser penser que nous avons en bouche une sorte de ravioli farci. Explosion de saveurs en bouche plutôt douce, des références intéressantes à la fameuse soupe à l’ail et aux amandes d’Andalousie.


Second acte avec un nom plutôt surprenant ; le « Petit déjeuner au lit ». Un mini sandwich aux pignons, le souvenir d’enfance des biscuits de la marque « Bimbo » avec de la noisette et chocolat, mais ici il s’agit d’un petit sandwich à base de trompettes de la mort et de truffes, en accompagnement une bouteille de coca-cola qui contient un concentré de champignons, un jus de cèpes. Même si l’idée de jouer avec ces saveurs est convaincante, le côté ludique me semble un peu superflus et le plat gagnerait a étre transformé en quelque chose d’autre car une bouteille de Coca-Cola ne me convainc pas franchement.



Troisième acte, « la forêt », un oeuf cuit dans de l'eau de mer, artichaut à basse température, calçots, noix de coco et du calçots. Gustativement c’est très bon et un joli clin d’œil aux produits de saison et locaux. J’aurais préféré un œuf cuit comme l’on dit souvent, « parfait » pour qu’il soit un peu plus coulant.



Seconde scène avec l’«Air »,  considéré comme entrées mais qui après reconsidération est mixée avec la scène suivante le « Vent » correspondant aux plats principaux.

Une planche noire à l’impeccable visuel, très zen, sur laquelle nous trouverons un bol avec une pierre et deux cailloux. Il s’agit de la « soupe de pierres » qui est amenée dans ce bol et qui ressemble vraiment à une pierre.  A première vue on se dit que ce n’est pas encore comestible mais en fait il s’agit d’une technique de sphérification avec à l’intérieur une crème de popcorn crème, du foie  de canard macéré dans du calvados, de la camomille et quelques olives noires cuites au vin rouge. On y ajoutera une décoction de champignons sur le dessus. Une fois la « pierre » ouverte, on y découvrira le foie gras en cube. Le tout fonctionne prodigieusement bien car les saveurs se complètent : foie, champignon, alcool. Un plat plus aboutit selon moi que les précédents.



Second met, le « panellets de la seconde chance ». Le « panellets » est à l’origine un dessert catalan que l’on déguste à la toussaint. Sorte de petit gateau rond réalisé avec du massepain et recouvert de pignons. Ici une transformation en quelque chose de salé, avec de la sardine cuite à basse température, un pesto de pomme cuites au four, de la pistache et du thym, un parmentier de panais avec de la garnacha blanc. A nouveau un met très aboutit qui va à l’essentiel dans les saveurs.


Le plat qui suit est tout à fait ce que l’on pourrait trouver chez un des fameux étoilés de San Sebastian avec cette « Paella de gamba rouge, rouge »… Il s’agit d’une base crémeuse réalisée avec une réduction des têtes de crevettes et de vin de Priorat, d’une macération de framboises. Sur le dessus de la framboise lyophilisée qui amène une touche douce et en même temps subtilement acide. Pas de riz dans cette paella car celui-ci arrive dans un tube ! Le riz est soufflé, entouré d’une poudre de betterave. On ajoute donc le contenu de l’éprouvette sur le fond de sauce, petit à petit. C’est vraiment excellent car en même temps plein de saveurs marines, de textures diverses, de saveurs inattendues.




Un côté à nouveau un peu ludique avec cette reconstitution du Tibidado réalisée au dernier moment avec du papier Kraft froissé par Robert. Structure en forme donc de montagne sur laquelle on déposera un bol avec une réduction de vin rouge épicée, une poudre à base de « pipes » graines de tournesol et de maïs frit. Dans un petit sac translucide, le « ticket d’entrée » avec un raisin acide avec de la poudre de vinaigre et du sel. C’est plus amusant qu’autre chose et retombe dans le ludique. Une sorte de bouchée qui est là pour changer de goût en bouche.



Un plat de viande pour accompagner, un peu lorgnant sur l’Asie servi dans un bol recouvert d’un gros bouchon pour maintenir la température. Du canard cuit à basse température ; vous prenez le canard avec des baguettes et entourez les morceaux dans une dans la réduction de vin rouge puis dans le mélange de « pipes » et maïs.  Amusant mais pas mémorable, un peu trop fantaisiste et sans trop de connection entre les éléments.



La « Tempête », touche finale et évidemment desserts. Le premier, un faux niguiri assez délicat en saveur qui est une sorte de nougat, un bon goût nuancé par l'amaretto. Assez visuel également et toujours dans lorgnant du côté Asie.,



Pour terminer, un voyage au pays de Disney avec « La belle au bois dormant ». Sous une cloche de verre, une pomme de sucre dans laquelle se trouve une mousse de strataciella, une préparation liquide associée a un Mojito et selon Robert, de « l’After Eight ». Je ne sais pas finalement si c’est ce chocolat britannique qui aura été utilisé ou non, mais il y a un léger goût de menthe et de chocolat qui me fait penser que c’est plutôt les ingrédients au naturel qui ont été utilisés. Posée sur une terre de caroubier, une feuille de menthe au dessus. C’est visuellement parfait, frais et léger.


Comme vins, un Tanca Els Ulls 2015. Cépage Macabeu, des touches d’herbes aromatiques, un côté un peu salin, un vin élégant.


Suivi d’un très bon Priorat, Vi de Vila Porrera, 2013, carignan et grenache. Présence en bouche de fruits rouges, de réglisse, de clou de girofle, de sous-bois et de poivre noir.


Un voyage assez particulier que ce soir, une cuisine assez excentrique, parfois expérimentale ou ludique, beaucoup de technique et de visuel. Une proposition dans l’esprit des chefs contemporains étoilés comme ceux de Disfrutar, Tickets et autres Mugaritz, toute proportions gardées. On pourrait classer les assiettes en deux catégories, celles « pour le show » et celles « pour le jeux de saveurs ». Certes cela peut plaire ou non car on frôle parfois un peu juste le côté théâtral sans se concentrer exclusivement sur le produit ou l’association des saveurs et textures. Je préconiserais un peu de simplification dans tout cela mais l’expérience est plus que concluante dans son ensemble et permet de découvrir une cuisine moderne, dans le vent a des prix très raisonnables. Pour l’anecdote finale, nous ne furent que les deuxièmes « étrangers » à venir dîner chez eux, mais il y fort à parier que ceci va rapidement changer…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire